4 questions à Valérie Déom, Députée fédérale porteuse de la proposition de loi (juillet 2011)

Valerie Déom

Valerie Déom, députée fédérale PS

On entend beaucoup parler de congestion du réseau en Belgique et de nécessité de prioriser le trafic Internet.  Existe-t-il un  risque d’engorgement de notre réseau à court ou moyen terme ?

A l’IBPT (Institut Belge de Services Postaux et de Télécommunication), organe chargé de la régulation des marchés des télécoms, on ne croit pas au risque de congestion chronique du réseau pour la Belgique. L’argument n’a d’ailleurs pas fait mouche au parlement. Les FAI’s ont de plus la responsabilité de ne pas cesser d’investir dans le développement de leur réseau.

 

Dans quel contexte politico-juridique intervient votre proposition de loi visant à garantir la Neutralité du Net ? L’Europe n’est-elle pas en train d’auditer tout le secteur ?

Après la consultation publique de 2010 sur le paquet Télécom, l’Europe a  introduit la notion de « service minimum garanti », une notion floue qui induit une différenciation qui laisse tout le champ aux FAI’s pour définir ce qui est « minimum » et ce qui ne l’est pas.

Le PS a constaté que la neutralité du net était absente du paquet Télécom européen. De plus la transposition en droit national a pris du retard. La commission Infrastructure de la Chambre des Représentants, sous l’impulsion du PS, a donc décidé d’avancer.

Nous pensons que c’est notre rôle, au PS,  de protéger les « nouvelles  libertés ». Internet est indéniablement un espace précieux de liberté. Inscrire la neutralité du Net dans la loi participe à sa protection face à des politiques économiques ou idéologiques futures qui dénatureraient cet espace dont nous jouissons actuellement de manière égalitaire.

L’enjeu est d’aller vite pour éviter d’être mis devant des situations de fait, face à des providers qui auraient déjà mis en place des solutions de gestion de trafic en contradiction avec le principe de neutralité. Nous voulons que demain, tout soit encore possible sur Internet, dans le respect de la loi évidemment. Que celui – grand ou petit fournisseur de contenu-  qui a une bonne idée puisse la développer et la diffuser dans les conditions qui nous sont offertes aujourd’hui.

La proposition de loi veut donc garantir à tous les acteurs d’Internet  un même niveau de terrain de jeu (« same level playing field »). Il s’agit en fait simplement du principe libéral de mise en concurrence des acteurs au bénéfice du consommateur.

 

La classe politique est-elle consciente des enjeux énormes qui sont concernés par ce principe de neutralité du Net ?

L’aspect un peu technique du dossier dans un domaine technologique nouveau et en constant développement ne facilite certainement pas les choses et leur compréhension. Mais les députés ont vocation à s’intéresser à toute matière qui touche le citoyen et les partis politiques ont intérêt à s’intéresser à la question de la neutralité du net s’ils ne veulent pas se voir exclus du débat. Je peux d’ailleurs vous assurer que les autres partis se sont montrés ouverts à la discussion, en ce compris dans ses aspects techniques.

 

Comment les FAI’s ont-ils accueilli votre proposition de loi ?

Telenet et Belgacom se méfiaient. Ils pensaient que la proposition de loi voulait uniformiser les offres : le même abonnement pour tout le monde ! Il ne s’agit évidemment pas de cela. Au contraire la liberté qui est laissée aux FAI’s en termes de modulation de leurs offres (débit maximum, bridage du volume, ….) fait que ces derniers ne se sont in fine pas montrés trop rétifs à la proposition.

En France, la situation est différente : tout le monde est à l’illimité. En Belgique, les petits utilisateurs payent moins, les gros payent plus. On ne peut donc pas dire qu’une minorité d’internautes gourmands « vampirise » la bande passante. La tentation de prioriser le trafic est donc a priori moins grande…. Ces principes restant acquis, les FAI’s ne sont pas contre l’idée.

 

Interview réalisée en juillet 2011 (et publiée dans notre trimestriel Causes-Toujours n° 23)

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