La rédemption par le rêve (Franck Pierobon)

Rencontre avec Franck Pierobon, philosophe, dramaturge et auteur du livre « Le symptôme Avatar (La Découverte, 2007) »

Dans « Le symptôme Avatar » (Edition Vrin – 2012), Franck Pierobon analyse, avec brio et panache, le film à grand succès commercial de James Cameron vu comme un véritable phénomène de société. L’auteur y voit le symptôme de notre postmodernité où l’individu s’anesthésie par le travail et le divertissement. Il s’avère incapable de se découvrir ou de s’inventer une intrigue qui puisse activer et faire valoir le sens de sa propre vie. Un ouvrage d’éducation aux médias et d’éducation aux images, ici quasi hallucinogènes. Serions-nous devenus idolâtres d’ « images-visions », équivalents cinématographiques du veau d’or ?

Le spectateur rechercherait une part de rêve, faute de tout autre salut. N’a-t-il pas toujours cherché de rêver ? Quelle est l’évolution des attentes dans le chef du spectateur postmoderne ?
Bien sûr, on a toujours cherché à rêver. La différence que je ferais, c’est la modernité. Jusque dans les années 1750, l’horizon était autre. On était confronté et partie prenante d’une nature sauvage, envahissante et dangereuse. A partir de la modernité, de la révolution scientifique et technologique dont nous sommes les héritiers, le monde change et le paysage urbain s’installe. Si vous regardez par la fenêtre, vous voyez un mur, un toit mais rien qui ne soit naturel, sauvage. Les seules choses sauvages qui sont ici dans cette pièce, c’est nous deux. Nous sommes les deux organismes vivants résiduels. Nous ne pouvons pas être assiégés constamment par une sorte d’émulation par des formes vivantes : la nature, les arbres, peut-être du danger à l’orée de la forêt, etc. Aujourd’hui, nous devons rechercher ce genre de choses. Il y a un assèchement de l’imaginaire et de la vie vécue, vivante de tout un chacun. Nous sommes comme des fourmis égarées sur un missile. Nous sommes dans un monde pauvre en fiction. C’est quoi un monde riche en fiction ? C’est un monde villageois où tout le monde doit survivre, veiller aux vendanges et ne pas rater le cycle des saisons. Notre monde a perdu toute magie. La plupart des gens vivent dans des grandes grandes villes, ont un travail répétitif sans véritables responsabilités. Hannah Harendt en parle comme de l’aliénation. Il s’agit d’un travail et non pas d’une création ou d’une oeuvre. Le niveau minimum de l’autosatisfaction, pour ainsi dire, dans l’épanouissement de la vie professionnelle, c’est de se fantasmer. Se fantasmer comme capitaine d’industrie, se dire : un jour, je vais faire des trucs et des machins, avoir de l’ambition, me projeter. Et puis, ça aussi se réduit et on finit par regarder la télévision parce que la télévision, elle distrait. C’est une image, c’est très coloré, comme un aquarium, il se passe des trucs. La fiction devient quelque chose d’extrêmement important parce que elle rythme la vie psychologique des gens qui n’ont pas de vie. De la même façon qu’on préfère une musique, même niaise, à une succession de bruits. Notre vie, pour l’essentiel, c’est du bruit. Quand on allume une télévision ou une radio, des choses se passent et aboutissent et qui donc, font sens. Double bonus : il se passe quelque chose et en plus ça aboutit.

Le spectateur ne pourrait-il pas attendre aussi du cinéma voire de la télévision qu’ils ré-enchantent le monde ?
Vous me posez une question par rapport à un passage particulièrement négatif, qui dénonce. Mais en fait, il y a un double problème, d’abord c’est peu et c’est pauvre. Pourquoi ? C’est pauvre parce que la déferlante de fictions font que très rapidement (le cinéma est né officiellement en 1895) tout le capital de fictions a été recyclé et a tourné en rond. D’une manière générale, les gens se sont habitués et ont fait le succès du truc « qui marche ». Ces films de genre (le film noir, le policier, la comédie romantique, le film drôle, le film de capes et d’épées,…) réalisés avec très peu de moyens, assument cette fonction de réenchantement mais assister à du réenchantement, ce n’est pas être réenchanté ! C’est passif, par procuration. Vous pouvez très bien, dans une assemblée de co-propriétaires, vous faire représenter par un copain qui est aussi propriétaire, qui a une procuration et qui vote pour vous, mais il y a un vote. Ce n’est même pas par procuration. C’est encore moins que ça ! C’est-à-dire que là, on a des émotions sans qu’il y ait personne qui soit ému. C’est très bizarre, c’est assez subtil comme constat. C’est pour ça que ça vaut la peine d’écrire un livre là-dessus en ce sens que quand vous êtes au cinéma, vous n’êtes même pas en train de réagir à quelque chose. Vous êtes ensemble action et réaction, comme si vous rêviez. C’est-à-dire, vous êtes en transe. Un film qui ne fonctionne pas c’est un film où en toute conscience, on se dit tiens, il y a peu de monde. Oh regarde, il y a une loupiotte qui fonctionne mal, elle clignote. Oh la la, il va durer encore combien de temps ? Si ça marche, on devient « non conscients ». Je ne vais pas dire inconscients car c’est un terme très connoté mais on est dans une situation de transe où il n’y a plus de distance entre ce que je vois et moi qui vois comme dans un rêve, à part que ce n’est pas le rêve que je rêve. C’est un rêve qui se rêve en moi, fabriqué par d’autres personnes. Donc, au cinéma, non seulement on n’est pas actifs, on n’est pas en train de faire des choses mais en plus on n’est même pas l’auteur de son propre rêve. Cette transe me semble très dommageable.

Alors on peut mettre ça sur le compte du divertissement et du repos. C’est extrêmement important dans une vie qui par ailleurs est active, de regarder un épisode du Mentalist par exemple. C’est excellent, comme il est important de dormir. Même si on est passif, notre souvenir, notre inconscient jouent. Ca s’appelle du repos ! Le problème se pose quand on n’a que des formes passives, border line : repos, détente, divertissement, télévision et sommeil. Le rêve de la vie est aliéné. A partir du moment où on va chercher dans la télévision ce qu’on ne trouve pas dans la vie, là il y a un problème. Je pense que quelqu’un qui fait du travail social, de terrain, qui va écouter le malheur des uns et des autres, qui sait trouver des solutions, qui se bat, qui s’engueule, qui plaide,.. et qui regarde le soir « Mimi Mathy », c’est parfaitement légitime et génial !

Selon vous, l’audiovisuel nous convaint insidieusement qu’il n’y a pas de joie plus profonde que celle que procure la passivité totale à laquelle on consent à l’occasion de tout spectacle et qui pourrait bien confiner au coma spirituel. Il n’empêche que certains militants se sont approprié le récit d’Avatar pour réaliser des actions « In real life ». Pour défendre le territoire des indiens de Dongria-Kondh qui tentent désespérément d’empêcher les humains d’exploiter les ressources minières de leur terre sacrée, menacé d’exploitation minière, des manifestants ont revêtu les costumes des personnages d’Avatar, comme pour comparer la situation des « Navi » à celle des indiens Dongria-Kondh. Preuve qu’un récit peut être réapproprié par les citoyens pour mener un combat politique…
Bien sûr, le cinéma a toujours fait partie de la culture populaire. C’est pour ça que je m’y intéresse d’ailleurs. Le succès extraordinaire d’Avatar (un milliard en plus que Titanic) veut dire quelque chose vu le mode de production (avec des projections pour des groupes extrêmement bien choisis quant à sa composition, qui doivent remplir des questionnaires, avec des focus groups, avec des panels sur internet,.. ). C’est un film dont le public est le co-auteur. Alors là, du coup, on sait qu’on a mis le baxter de rêve sur la bonne veine. Alors évidemment qu’il faut l’exploiter. Il faut l’exploiter pour appuyer des revendications qui sont encore vécues aujourd’hui comme étant marginales, arriérées, obscurantistes, etc. alors qu’elles sont réalistes. C’est la question écologique qui appelle à une grande retenue alors toute la publicité appelle à la surconsommation de choses inutiles avec les problèmes d’obésité qu’on connait, avec toutes les dysfonctions, avec du gaspillage extraordinaire, avec une course aux « status symbols », les choses de luxe – la grosse voiture, la grosse baraque pour essayer d’exister. Donc, oui il y a une valeur politique à ce film qui permet à des groupes de parler au plus grand nombre en disant : vous vous souvenez d’Avatar ? Hé bien nous sommes la réalité d’Avatar, à part qu’on n’a pas gagné. Avec une phrase, on a tout dit !

Le récit est presque omniprésent dans notre société contemporaine (en management, en thérapie, dans les religions, dans les médias,…). Roland Barthes considérait le récit comme un moyen de comprendre et d’ordonner le monde, Christian Salmon (« Storytelling, la machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits »1) envisage, lui, l’utilisation du récit à des fins de contrôle. Qu’en pensez-vous ?
Pour répondre à votre question, je fais comme d’habitude, je la désarticule, je la décortique, je la déconstruit. Il y a le storytelling et puis il y a l’anecdote. Bien souvent le storytelling, comme pratiqué dans le journalisme américain, consiste à démarrer par une petite histoire. Vous voulez parler de la guerre en Syrie, vous commencez en mettant en scène une petite histoire dans laquelle cette femme a cru avoir perdu son bébé dans l’effondrement de la maison suite aux bombes de Assad et grâce à l’aide des autres villageois, au bout de la nuit, elle a entendu le faible cri de son bébé et voilà. Donc, du coup il y a de l’émotion, il y a une petite histoire qui tient comme une parabole dans la Bible, dans le nouveau testament surtout, qui excite l’imagination, qui permet de construire un monde à partir duquel on peut faire un travail de conceptualisation. C’est une manière d’attraper l’attention et qui peut extrêmement bien fonctionner à des fins pédagogiques. Je me souviens encore aujourd’hui de l’histoire que m’avait racontée mon professeur de français quand j’avais 10-12 ans pour introduire une leçon de grammaire sur les comparatifs. Je m’en rappelle longtemps après. C’est une manière de soulager la discursivité, d’aérer et de faire appel à d’autres fonctions qui peut être extrêmement efficace. C’est plus agréable même si ça a moins de standing, de prestige par rapport à des gens un peu vieux-jeu qui ne veulent pas mettre des storytelling parce que c’est amuser la galerie.

La seconde chose c’est quand l’histoire fonctionne comme un raisonnement ou que le raisonnement fonctionne comme une histoire. Je m’explique. Dans ce livre « le symptôme d’Avatar », je parle beaucoup de l’intrigue parce que l’intrigue d’Avatar est très pauvre. C’est un western. Dès le départ on a compris que les méchants vont perdre et que les gentils vont gagner. Moi, je m’intéresse beaucoup à ce genre d’opérateur logique. On peut se demander si le fait que c’est toujours le bon qui gagne et le méchant qui perd, est-ce une considération morale ou narrative ? Si le méchant gagne, on n’est pas satisfait. Nous avons besoin d’avoir des raisonnements qui paraissent rigoureux et qui mènent sans obstacle et sans trop solliciter la complaisance du lecteur ou de l’auditeur, à une conclusion qui dit bien : voilà c’est fini. La tâche d’une intrigue, c’est de commencer et de finir. C’est presqu’une considération musicale. Notre vie à nous finit de la manière la plus bête, sans qu’on puisse faire quoique ce soit. Dans les fictions, on a besoin de structures, de formes musicales qui aboutissent, de choses qui soient rythmées. Le raisonnement est aussi une question de rythme. Si je me réfère à ma propre expérience d’être persuasif, je revisite des choses qu’on croyait connaître. Je les frotte un peu, je les fais blinquer et tout à coup, de nouvelles lumières apparaissent. Ce mouvement-là est carrément une chorégraphie conceptuelle, ça satisfait l’esprit et je demande aux autres de poursuivre la pensée. La question de l’intrigue c’est de voir comment elle peut donner à penser par ce qu’elle indique, non pas par ce qu’elle dit. Il se peut très bien que des formes un peu mystérieuses, comme dans la science-fiction où tout n’est pas expliqué, mettent l’esprit dans un état d’effervescence où l’imagination ouvre sur du concept, du raisonnement.
Donc, oui au storytelling si ça encourage celui qui écoute de histoires à en fabriquer à son tour. Non si cette histoire est produite et vendue comme l’histoire définitive qui conclut une fois pour toute sur une pulsion d’achat, sur une décision.

La manipulation exige toujours quand même quelqu’un qui a envie d’être manipulé. Samuel Taylor parle de « Suspension of disbelief ». Tous les gens qui écoutent des histoires viennent y chercher un plaisir particulier.

Mais le storytelling ne réussit pas nécessairement. Il faut de l’art là-dedans. C’est un effort de mettre de la joie, de sortir d’une réalité qui est réduite à de l’instrumental, à de la bretelle d’autoroute, à de la barre de béton, à des courses du samedi. Et tout à coup il y a quelque chose qui revient et qui s’appelle l’enchantement. Le monde enchanté suppose un public qui ne fait pas la différence entre la fiction et l’information (les petits enfants) ou alors ça suppose un monde qui est objectivement enchanté, c’est-à-dire un monde de la société primitive où tout est à la fois salut et danger, où il faut être sur le qui-vive, où tout agit mystérieusement sans qu’on puisse en faire la théorie parce qu’on ne sait pas ce que c’est une théorie. Là, je renvoie tout simplement à ce que Lévi-Strauss a écrit magnifiquement sur la pensée sauvage, qui est une pensée très complexe, instrumentale, agissante et qui ne fait pas la différence entre une vision imaginaire de la réalité et une vision réelle de l’imagination.

En parlant de manipulation, que pensez-vous des techniques de neuromarketing ?
Il y a un développement de plus en plus acéré et technologiquement sophistiqué. Par exemple pour mesurer le mouvement des yeux, quand quelqu’un se promène dans une travée de Department Store, de grand magasin, pour voir sur quoi les yeux tombent, si la surabondance des produits de consommation n’était pas contre-productive et comment faire en sorte que tel produit fonctionne mieux, quelles sont les couleurs qui peuvent fonctionner, est-ce qu’il y a des archétypes psychosociaux, des choses un peu moins jungiennes et un peu plus réelles, pragmatiques, est-ce qu’on peut faire des expériences, est-ce que c’est culturel, est-ce que les résultats obtenus en Allemagne valent pour l’Espagne,… Alors évidemment, le grand problème c’est que la décision d’achat est irrationnelle.

Chaque fois il faut interroger : c’est quoi une pulsion d’achat ? c’est quoi une pulsion ? c’est quoi le désir, l’envie, le besoin ? Les gens sont conditionnés d’une manière tellement grossière et stochastique qu’on n’a pas la rigueur scientifique pour pouvoir déduire que quelqu’un va réagir de telle ou telle façon. Le problème, c’est de passer de la probabilité à un schéma qui puisse être un algorithme de stratégie marketing. Or la pulsion d’achat est une pulsion complexe. Elle suppose l’argent, des manipulations extrêmement symboliques et abstraites qui sont la carte de crédit. Elle suppose aussi un Surmoi plus ou moins flageolant où la personne qui veut acheter ce pull à 500 euros se dit, non je ne peux pas me le permettre parce que je n’ai pas assez d’argent. Toutes ces considérations qui sont plutôt psychologiques mettent en œuvre des concepts qui ne sont pas maîtrisés pour l’instant selon moi. C’est quoi l’argent ? Si je sors de mon portefeuille, un billet de 20 euros, pour un extra-terrestre ou un chimpanzé, j’ai sorti un bout de papier recouvert de couleurs avec des signes mais ça c’est une manière un peu autiste de voir les choses. En fait, j’ai sorti de la magie moderne c’est-à-dire que l’argent, on y pense en termes magiques.
Tout ce qu’on peut obtenir comme résultat scientifique d’un côté, est balayé par le surinvestissement, le sous-investissement ou les comportements de déni qu’on peut avoir par rapport à l’argent. Avec cette magie qui fait que plus j’ai d’argent, plus j’ai de pouvoir.

La télévision nous vendrait-elle du « temps de cerveau disponible » dixit l’ancien PDG de TF1 Patrick Lelay, ou du « temps de cerveau sans conscience » dixit le philosophe Bernard Stiegler ?
Quand des grandes sociétés de télévision disent qu’elles vendent de l’espace de cerveau disponible à des annonceurs, elles disent la vérité d’une manière tellement brutale qu’elles créent un buzz énorme et que vous la répétiez. De ce côté-là, la charge bonimenteuse est remplie à 100 %. Le type a marqué les esprits.
Le contexte étant perdu, on peut alors recontextualiser. Patrick Lelay a tenu un discours particulièrement totalitaire et fasciste par réaction probablement au grand blabla. Il a dit on va arrêter avec ces histoires qui n’intéressent personne. Le public, massivement, n’est pas intéressé par la haute culture ou par des émissions d’émancipation. Ce qui l’intéresse surtout c’est de se divertir et nous lui apportons ce qu’il demande, en échange de quoi nous vendons aux annonceurs de quoi nous payer. Et si nous vendons bien, nous sommes contents et le public vient en masse, nous sommes contents et au final, c’est le public qui décide des contenus. Et il peut même décider de zapper quand il y a des pubs, ce qu’il ne se prive pas de faire. Il ne faut pas le prendre comme un énoncé premier mais voir le contexte de provocation dans lequel ça s’est mis à fonctionner au-delà de toute espérance. Nous ne sommes pas des artistes, nous vendons de l’espace de cerveau mais cet espace de cerveau n’a pas été violé.

Personne n’est obligé de regarder la télévision sauf …. en prison !
Et Bernard Stiegler a fait de la prison. Du coup il devait subir de la télévision non-stop dans une promiscuité et un surpeuplement des prisons, ce qui peut être horrible. Donc, la réaction de Bernard Stiegler, il faut aussi la contextualiser. C’est quelqu’un d’extraordinaire qui s’est sauvé par la philosophie. Il a passé son bac et a fait une licence en philo en prison. C’est un pur et dur. Pur ça va, dur, je ne sais pas… Transformer la question de la télévision de masse en un capitalisme pulsionnel ou libidinal comme il le dit dans son livre « La Télécratie », c’est faire un procès facile. On peut se monter la tête en se mettant en colère pour parler de choses qui nous mettent en colère. Question : c’est quelle colère qu’on entend ? Celle qui est provoquée par la chose ou celle qu’on s’est soi-même induit pour pouvoir parler avec feu de la chose ? Une télévision qui déplait, on l’éteint. Personne n’est obligé de regarder la télévision. Donc quand les gens regardent la télé, ils le font bien souvent parce qu’ils sont mélancoliquement désespérés. C’est la seule fenêtre ouverte sur leurs rêves. Est-ce qu’il faut demander à tout le monde d’être un héros comme Bernard Stiegler ? Est-ce que c’est juste de sa part de demander à tout le monde d’avoir son cran, son intelligence, sa force de travail ? Il a été extrêmement généreux : il a fait passer le bac à tous les détenus et avec cela, on a un peu l’intransigeance du rebelle qui a réussi, qui est sorti de l’extrême marginalité pour devenir le directeur de l’IRCAM, une grande figure.

La télécratie c’est un bon concept vendeur. C’est l’arroseur arrosé ! Il faut faire attention avec les dénonciations : on a un truc à raconter, les méchants sont là. Le western qui consiste à mettre les méchants d’un côté et les bons de l’autre, c’est du storytelling. C’est une manière agréable de penser les choses en blanc et noir et donc, on n’a pas à penser. Avant on avait le juif, le PD, le black, c’est par eux que le malheur tombait sur le monde. Maintenant c’est par la télé, ou le système. Nous sommes tous des complices de quelque chose. Et donc, est-ce que les médias doivent faire ceci ou cela ? Pas plus, pas moins. NOUS devons. Je pense que les jeunes gens d’aujourd’hui qui ont une fibre philosophique, morale, qui s’investissent dans des choses qui ne sont pas très rentables, qui veulent par exemple écrire des livres, c’est de là que viendra le salut mais personne n’a jamais prétendu que l’humanité était bonne ! Le premier concept vendeur, c’est de croire que 1 : l’homme est bon, 2 : s’il est mauvais, c’est qu’il est victime, 3 : il doit y avoir un méchant, je vais te le trouver. 1 2 3, c’est ça le storytelling !

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