Pourquoi cette campagne de sensibilisation ?

Sommes-nous maîtres à bord de notre cerveau quand nous tombons amoureux, décidons de consommer tel ou tel produit, nous faisons une opinion sur telle personne ou tel événement ou votons pour tel ou tel candidat politique ? Au vu des méthodes marketing qui se font de plus en plus furtives et ciblées, le Gsara s’est interrogé sur le fonctionnement de notre cerveau et sur la manière dont certaines pratiques marketing, neuromarketing, médiatiques et politiques tentent de piloter nos émotions, nos sens, notre inconscient pour mieux les exploiter.

90 % de nos actes quotidiens se déroulent à notre insu, le cerveau se mettant en pilotage automatique. L’image que nous avons du monde qui nous entoure résulte d’une construction mentale. Avec une belle longueur d’avance sur notre conscient, c’est notre inconscient qui décide de tomber amoureux ou qui décide si telle ou telle info doit être relevée.

Des marionnettes aux mains de notre inconscient

Ces automatismes de notre cerveau peuvent certes paraître inquiétants mais ils nous facilitent la vie. Sans ces automatismes, nous ne pourrions pas manger et lire le journal en même temps ou courir et parler simultanément, regarder un film tout en respirant. Réfléchir fatigue notre cerveau. La réflexion se limite à quelques centres de calcul situés dans le cortex cérébral, une fine couche de tissus nerveux.

Par contre, plus inquiétant : nous sommes loin de nous douter de tout ce que notre cerveau nous fait avaler ! Les marketeurs l’ont bien compris en tentant d’exploiter le fonctionnement de notre cerveau à des fins commerciales. Quand nous faisons nos courses par exemple, nous nous laissons souvent guider par notre inconscient et notre irrationalité. En effet, le noyau accumbens (qui fabrique et garde en mémoire toutes les sensations agréables) montre, par une activité accrue, que telle boisson ou tel yaourt nous plairait. Il sait que nous aimons le sucre et submerge notre cerveau de dopamine (1). Si au contraire, l’insula (2) prend le dessus, nous n’achetons pas. Il n’est pas innocent non plus que les fruits et légumes soient placés à l’entrée des magasins. Remplir notre chariot d’aliments sains rassure notre cerveau. Nous pouvons ensuite nous laisser séduire par tout et n’importe quoi dans les rayons, en toute bonne conscience.
Des études montrent également que lors d’une dispute de couple, les arguments seraient moins importants que les chaises sur lesquels nous sommes assis. De même, une affirmation sans arguments peut parfois s’avérer plus persuasive qu’une explication argumentée. Imaginons les conséquences sur notre regard et perception du monde !

Nos neurones, nouvelles cibles d’invisibles drones ?

Un pas supplémentaire dans l’invasion et l’intrusion des messages publicitaires est franchi par le neuromarketing. Le neuromarketing tente de mesurer la façon dont un produit, une publicité, un stimulus affectent notre inconscient et influent sur nos comportements d’achat. L’imagerie de résonance magnétique fonctionnelle (IRMf), l’électro-encéphalogramme ou encore l’électromyographie (EMG) sont autant de techniques utilisées par les marques pour mesurer l’impact de publicités sur le consommateur. Les stimuli qui ont activé les zones du plaisir et les circuits de la récompense seront privilégiés par l’entreprise pour orienter ses stratégies et ses campagnes de marketing afin de les rendre plus efficaces… Tout en questionnant la fiabilité du neuromarketing (car le cerveau humain reste la matière la plus mystérieuse qui soit !), nous sommes en droit de nous inquiéter de voir les neurosciences au service de problèmes non médicaux. Notre cerveau serait-il devenu une marchandise ?

A la lumière de ces pratiques de marketing, qu’en est-il du pouvoir des émotions et de ses exploitations médiatiques possibles ? Les mots, le storytelling, les couleurs, les images influencent fortement nos perceptions au travers du petit écran. Quand les médias (de divertissement comme d’information) s’orientent vers l’émotionnel, quelles zones du plaisir et quels circuits de la récompense sont actionnés ? Les difficultés économiques d’un grand nombre de médias (dues à la baisse de leurs recettes publicitaires) les conduisent-ils à tout faire pour séduire les annonceurs ?

Quand nous sommes amoureux, notre amygdale s’active, nous sommes stressés. L’état d’alerte dans lequel nous sommes nous rend un peu aveugles. Les centres du circuit de la récompense réagissent eux aussi. Le cocktail endorphine (qui nous rend euphoriques)/sérotonine (qui agit sur l’humeur) fonctionne comme une drogue. Au début d’une relation amoureuse, nous sommes facilement manipulables car dépendants, aveugles et stressés. Nous sommes guidés par des circuits électro-chimiques totalement automatiques. En est-il de même quand les génériques de JT et les titres de nombreux magazines utilisent des termes anxiogènes ? Crise, catastrophe, chômage, dépression, récession, rigueur, austérité, violence, terrorisme, insécurité,.. autant de mots qui suscitent un état d’alerte. Mais pas de problème, une publicité de parfum ou de voiture nous procurera vite notre dose d’endorphine et de sérotonine… Et de cortisone ?

(1) La dopamine est l’une des nombreuses substances chimiques qui sert de neurotransmetteur dans le cerveau. Les réseaux dopaminergiques sont étroitement associés aux comportements d’exploration, à la vigilance, la recherche du plaisir et l’évitement actif de la punition (fuite ou combat).
(2) L’insula, ou cortex insulaire, constitue un des deux lobes du cerveau situés en position interne, et fait partie du cortex cérébral. Il interviendrait notamment dans le dégoût, la dépendance ou encore la conscience.
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